GHOST GALERIE

TOXIC

Torrick Ablack
1965
Incroyable trajectoire que celle de Torrick TOXIC Ablack, enfant des tours de béton du South Bronx. À peine adolescent, il parcourait la ville aux côtés de ses amis Kool Koor et A-One, spray en main et rêves plein la tête, transformant les murs de New York en galeries clandestines. Ils appartenaient au crew des Tag Master Killers, rebelles acharnés qui, en quelques jets de bombe, faisaient vibrer la ville tout entière. Très vite repéré par Stefan Eins de la légendaire Fashion Moda Gallery, puis par le collectionneur Sidney Janis, TOXIC impose un style inimitable, brute et libre, s’inscrivant aux côtés de figures telles que Rammellzee et Jean-Michel Basquiat, avec lesquels il fonde les Hollywood Africans. Dans les rues de l’East Village, il côtoie aussi Andy Warhol, attiré par ce monde où l’art surgit sans crier gare, dans chaque ligne et chaque couleur. « L’art ? Ce qui te touche, te bouleverse, te saisit, » dit-il. Ses premières beautés, il les découvre dans les dessins de son frère, dans les lettrages des gangs de son quartier, dans la poésie des premiers graffeurs qui marquent les rues du Bronx. La rue, c’est là qu’il apprend, qu’il observe et qu’il se forge. C’est là, aussi, qu’il trouve ses premières galeries. À quatorze ans, avec A-One, il expose chez Fashion Moda. À dix-sept, il signe avec Sidney Janis, cet homme qui ne prenait jamais d’artistes en exclusivité mais qui lui offre ce soutien précieux : un toit, une foi en son talent. Cette relation de confiance lui permet de créer, sans retenue, loin des cases où l’on enferme trop souvent les jeunes issus du Bronx. À New York, il se lie d’amitié avec Basquiat, Rammellzee, et les artistes de l’East Village, qui l’initient à de nouveaux codes. « J’étais un peu sauvage, je ne savais même pas comment tenir une fourchette, » raconte-t-il en riant. Invité un jour dans un appartement de la 5e Avenue, il gravit l’escalier comme dans sa cité et laisse sa marque sur les murs blancs, un trait rapide, un clin d’œil indiscipliné. Ces artistes voient en lui un esprit, non pas un délinquant, et lui montrent que l’art peut s’ériger autrement, au-delà du béton. Ensemble, TOXIC et ses frères d’âme peignent, expérimentent, se fondent dans les couleurs. « Nous étions comme des frères, presque interchangeables, » dit-il de A-One et Rammellzee. Peindre ensemble, c’était fusionner, se comprendre sans un mot, finir la ligne commencée par l’autre. Ce lien, cette osmose, s’imprime dans chaque wagon, dans chaque mur. Puis, il traverse l’Atlantique. Milan d’abord, puis Bologne, aux côtés de Basquiat, Futura, Keith Haring et Crash, tous réunis pour Arte di Frontiera, la première grande exposition de graffiti en Europe. L’Italie est une révélation, l’Europe une liberté. Il découvre un autre monde, où l’on s’éloigne des ombres de l’Amérique des années 80, marquée par le racisme, la violence et la dureté des rues. Pour ce gamin du Bronx, l’Europe est un Disneyland improbable, où la bière est en bouteille et les bretzels en vente libre, et où les musées accueillent son art. « Je ne suis pas un street artist, » dit-il, indigné à cette étiquette trop étroite. « J’ai commencé dans la rue, mais ça ne définit pas la valeur de mon travail. Si j’étais blanc et issu d’une famille bourgeoise, on m’appellerait simplement artiste. » TOXIC refuse les catégories, sa bombe est son premier amour, mais il explore d’autres matières, d’autres supports, en quête de profondeur, de textures qui dépassent la planéité du spray. Avec ses frères des Hollywood Africans, il ne cherche pas tant à transmettre un message qu’à être, tout simplement. « Ma vie parle pour moi, » dit-il. Noir, né dans une cité du Bronx, d’une mère portoricaine et d’un père trinidadien, il a traversé les frontières des musées du monde entier, créatif et libre. Le graffiti est aujourd’hui enseigné dans les écoles d’art, un fait qui le fait sourire. « Nous n’avons pas appris le graffiti à l’université ; la rue, c’était notre école. » Le monde change, les étiquettes aussi, et il observe la nouvelle génération avec bienveillance, mais sans se perdre dans le passé. Si le graffiti est désormais enseigné, si les galeries s’ouvrent, TOXIC continue d’avancer. « Don’t go Van Gogh, » dit-il, une devise qui refuse l’oubli et la misère de l’artiste incompris. Il reste cet esprit libre, cet artiste qui réinvente le monde, refusant de laisser l’histoire se figer, fidèle à lui-même et à ceux qui, comme lui, laissent un sillage vibrant dans le paysage de l’art.
« Je questionne le système parce que je n’accepte pas d’être soumis. » – Toxic « Basquiat et les artistes d’East Village m’ont traité comme une personne, pas comme un délinquant, et m’ont appris les codes du monde de l’art, moi qui ne connaissais que les codes de la rue » – Toxic

EPOCHAL VISIONS: AN EXHAUSTIVE CHRONICLE OF WORKS BELONGING OR HAVING BELONGED TO THE GALLERY’S COLLECTIONS

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